La tourbe, enjeu énergétique et politique (1745)
- Le document du mois de septembre est une lettre manuscrite extraite du fonds de la commune de Flixecourt, conservé sous le numéro de dépôt FLIX-SIA-1. Cette lettre date de 1745 et traite de la question de l'accès au marais de la commune de Fixecourt par les habitants afin d'en extraire la tourbe.
- La tourbe est une matière organique d'origine végétale formée par l'accumulation pendant des siècles, voire pendant plusieurs millénaires, de végétaux morts dans un milieu aquatique. Séchée, elle donne un combustible de couleur brune ou noire. Ce sont les extractions de tourbes depuis le XVIIIème siècle qui sont à l'origine de la formation de la plupart des étangs de la vallée de la Somme appelés "intailles" en picard, terme souvent usité dans la vallée afin de nommer certaines rues des villages bordant ou menant aux marais et étangs.
- Elle revêt une importance non négligeable car constitutive d'une alternative au bois afin de chauffer les populations durant l'hiver. Le document ci-après se fait le témoin des tensions liées à l'accès à cette ressource primordiale par les habitants de Flixecourt.
- La lettre ci-contre est rédigée par l'administration de l'intendant de la province de Picardie, Artois et Boulonnais à destination du mayeur de la communauté de Flixecourt le priant de bien vouloir laisser les habitants accéder au marais afin de pouvoir y extraire de la tourbe en vue de l'hiver suivant.
- Elle témoigne d'une part de l'ingérance ponctuelle, poliment appuyée, des services royaux dans les affaires de communautés censées pouvoir exercer leur administration sans contrainte extérieure et, d'autre part, des adresses envoyées directement à l'intendant par des habitants lorsque les décisions municipales ne semblent pas aller dans le sens escompté par ces derniers.
- L'intendant justifie sa demande par le statut de ville de passage et de logement de troupes royales et donc de la nécessité de pouvoir disposer de maisons chauffées pour l'armée, les bois n'étant pas la propriété de la commune.
Le saviez-vous ?
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- À la suite de cette lettre, l'échevinage accordera la possibilité aux habitants de se rendre au marais pour extraire de la tourbe. Ultérieurement, durant le XIXème siècle, l'extraction de la tourbe se professionnalisera au point que les communes devront établir des listes annuelles des tourbiers autorisés à se rendre dans les marais pour y extraire le combustible.
- L'invention en 1786 du grand louchet par Eloi Morel, forgeur et tourbier, natif de Thézy-Glimont (80), va permettre de démultiplier les quantités de tourbe extraites et ce faisant faire baisser le prix du combustible. Le grand louchet est constitué d'un long manche en bois de 7 mètres de long sur lequel sont fixées des lames en métal tranchantes permettant de découper directement un "pain" de tourbe en s'enfonçant beaucoup plus profondément que son prédécesseur, le petit louchet.