1942 : Le Royal
- Le document du mois de novembre est une lettre écrite le 27 décembre 1942 par Aimé Merchez et conservée dans le fonds 5AP. Elle fait partie de l’article 5AP83 conservant les quelques lettres écrites durant l’Occupation.
- Cette lettre ne comporte pas de destinataire avéré mais il est probable qu’elle fût écrite à l’intention de sa sœur résidant à Nesle, à qui il rendait visite régulièrement, et d’où il semble revenir quelques jours après Noël.
- L’intérêt majeur de cette lettre est l’évocation, succincte, de « l’attentat » du Royal sur la première page. La brasserie du Royal, située à l’angle de la rue Ernest Cauvin et du la rue des Trois cailloux à Amiens avait été réquisitionnée pour être transformée en Soldatenheim, c’est à dire un foyer pour soldats allemands. Les hommes de la Wehrmacht venaient y boire, chanter, danser. Cet endroit situé en plein centre, et donc très fréquenté, était bien gardé.
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« je suis allé faire un tour rue des Trois Cailloux. La rue était simplement barrée devant le Royal et les curieux, fort nombreux détournés par les rues Ernest Cauvin et Robert de Luzarches. L’ensemble est toujours là aussi solide que jamais les dégâts se réduisent aux glaces et au matériel de l’établissement. »
- Aimé Merchez fait ici une description des dégâts survenus suite à cette opération menée par un commando Francs Tireurs et Partisans. Celui-ci, est notamment composé de Charles Lemaire, l’un des Quatre Lemaire, Gisèle Dujardin, Émile Baheu, Jules Bridou et André Lalou, entre autres.
- Les FTP d’Amiens n’en sont pas à leur première action : explosion de la permanence de la LVF en février, sabotage d’une grue de plusieurs tonnes en gare d’Amiens en mai, vol de centaines de tickets de ravitaillement en octobre à la mairie.
- Cet « attentat » aurait initialement dû avoir lieu le soir du 11 novembre, une date éminemment symbolique, mais la mine anti char déposée entre une jardinière et la vitre de l’établissement du Royal n’avait pas explosée ! Elle est donc restée toute une journée à l’emplacement où elle avait été déposée, sans être trouvée. Les résistants l’ont ensuite remportée le lendemain afin de la re programmer. La date du 24 décembre fut plus tard retenue afin de réitérer l’opération.
- Gisèle Dujardin et André Lalou firent le guet en feignant être des amoureux innocents à l’angle opposé du Royal, devant les magasins Devred, et donnèrent le signal témoignant de l’absence temporaire du soldat de garde à destination de leurs camarades qui purent aller déposer la mine anti char : Charles Lemaire en novembre et Emile Baheu en décembre qui prit cette fois la précaution d’emporter deux mines au cas où l’une ne fonctionnerait pas.
- Quinze minutes plus tard, alors que les résistants se sont dispersés, l’explosion se produit. Le bilan est d’environ quatre vingt dix soldats tués ou blessés.
- Plusieurs photographies, conservées aujourd’hui par les Archives départementales de la Somme, ont immortalisé ce moment et sont consultables ici : https://archives.somme.fr/ark:/58483/0hb3t98nkvsd
- Intéressante, cette lettre l’est d’autant plus qu’Aimé Merchez, responsable du Front National (cf Document du mois de janvier 2021), et à ce titre coordinateur des mouvements d’obédience communiste, était peut-être au courant de cette opération et que ses propos n’en laissent rien paraître. Il est également possible qu’il ne le fût pas en raison du cloisonnement de la diffusion des informations des actions des groupes de résistances entre eux.